Au fil de ses diverses expériences auprès de 17 pilotes, sur 70 rallyes et 23 voitures, Olivier BROUZE a  beaucoup appris. Une connaissance qu’il a décidé de partager à travers une application « RallyRec »

En quinze ans de pratique et soixante-dix rallyes au compteur, Olivier Brouze est devenu un co-pilote respectable et respecté. L’ingénieur mécanique dans le nucléaire a même mis au point et développé une application « RallyRec » d’aide à la prise de notes en reconnaissance qui séduit de plus en plus d’équipages.  

 

Chef d’orchestre souvent invisible qui dicte le rythme de la course.
Fin stratège pour parer, anticiper et réagir rapidement à tous types d’imprévus.
Navigateur, gestionnaire et communicant hors pair.
Responsable de la gestion du temps, le co-pilote est bien plus qu’un simple dictaphone.
Dans un sport où la marge d’erreur est infime, il constitue un  duo inébranlable avec son pilote, qu’ils aient l’habitude de rouler ensemble ou qu’ils se découvrent au gré d’une épreuve.
A  35 ans, quinze années de carrière débutée au rallye du Beaufortain en 2010 dans le baquet de droite de la Clio RS de Jérôme Vaillant et 70 départs au compteur, dont le dernier au récent rallye de Suède, 2e manche du championnat du Monde WRC aux côtés de Didier Thoral, Olivier Brouze incarne et respire toutes ces qualités.
La passion, la curiosité et le partage en plus.
Au fil de ses diverses expériences auprès de 17 pilotes, sur 70 rallyes et 23 voitures, le natif de Thonon a beaucoup appris. Une connaissance qu’il a décidé de partager à travers une application « RallyRec » d’aide à la prise de notes en reconnaissance qui convainc de plus en plus d’équipages. Confirmés ou novices.

 

– La prise de note est non seulement la 1e étape d’un rallye, elle conditionne  aussi son bon déroulement. Peut-on dire que tout – ou partie – se joue à ce moment ?

« Les notes, c’est tout ou rien. Elles deviennent indispensables quand tu mets les pieds dans un rallye que tu découvres. Aujourd’hui elles se préparent même bien avant le jour officiel des reconnaissances limitées à  trois (voir deux) passages. Dès que l’on a le profil des spéciales, les vidéos sur Youtube notamment  ou de précédentes éditions permettent déjà de se faire une idée du profil, de déceler certains pièges et au co-pilote de travailler son « annonce» et si vous connaissez la spéciale par cœur…les notes sont plus que secondaires.

Aujourd’hui les vidéos et caméras embarquées constituent donc de précieux alliés pour les équipages ?

« Une caméra embarquée avec quelqu’un qui roule avec une voiture similaire à la tienne toi c’est de l’or. Les vidéastes ont également le don pour se mettre aux endroits où ça va être compliqué,  piégeux ou spectaculaire et du coup ça peut nous aider à repérer d’éventuelles difficultés qui peuvent nous échapper en recos. »

 – On dit que les notes appartiennent au pilote. Est-ce toujours vrai ?

« Oui mais avec quelques nuances. Il est primordial que le co-pilote se les approprient et surtout les comprennent.  Un co-pilote qui ne comprend pas les notes, ce n’est pas la peine qu’il prenne le départ. »

– Les nouvelles réglementations qui réduisent désormais le nombre de passages en reconnaissance ont-elles changé la façon de prendre les notes et leur importance. La mémoire, le « par-cœur » qui jouaient un rôle important sont-ils toujours primordiaux ?

« La réelle importance de la prise de note est née, dès l’instant, où les instances ont limité les reconnaissances à trois (voir deux) passages. Avant les pilotes se contentaient d’une précision des notes beaucoup plus approximative. Le niveau était aussi moins pointu. »

– La complicité et l’entente entre pilote et co-pilote sont importantes pour ne pas dire primordiales ? A titre personnel tu arrives à t’adapter à tout type de pilote et de pilotage ?

« Il y a plusieurs aspects. S’adapter au pilotage c’est quasiment à la portée de tout le monde.
Il y a aussi le facteur humain à prendre en compte et qui fait que l’on peut passer un bon, un très bon ou un week-end moyen. Il faut faire preuve d’adaptabilité notamment quand tu fais des « piges ». Souvent les caractères se révèlent au fur et à mesure du rallye. L’important c’est de bien faire le job « techniquement »

– Entre les chiffres, les angles, les degrés, les rapports de boîte, la simplicité et la précision ne restent-elles pas les deux règles essentielles dans la prise de note. Y-a-t-il un système plus efficace ?

La précision est le critère essentiel de la prise de notes. Le système basé sur le rapport de boîte n’est pas adapté et de moins en moins utilisé. La plupart des pilotes mesurent les virages grâce au volant, ils expriment leur virages soit en degrés (90, 120, 130), soit en numéros simplifiés (1, 2, 3, 4, 5, 6).

Ce qui se cache derrière la méthode du volant c’est la mesure du rayon de courbure du virage et beaucoup de pilotes l’ignore. c’est un élément fondamental pour décrire le virage. Peu importe le terme utilisé—qu’il s’agisse d’un nombre, d’un angle ou même d’un nom arbitraire—le principe reste le même : mesurer le rayon de courbure pour décrire la trajectoire de la manière la plus claire et efficace possible pour le pilote.

– Qu’est ce qui t’a conduit à élaborer ce système d’aide  à la reconnaissance ?

« RallyRec a été conçu au départ pour mieux appréhender les distances. A force de co-piloter j’ai constaté que la plupart pour ne pas dire tous les pilotes galéraient avec les distances. Pour le copilote c’est très important pour être dans le bon timing dans ses annonces de note. Pour le pilote c’est primordial pour savoir où il est sur la route. Il y a trois ans au Monte-Carlo, Adrien Fourmaux s’est « planté » pour une erreur de 20 mètres. Les reconnaissances demandent un gros travail intellectuel et physique  parfois durant huit heures et, à ce titre, il est important de se faciliter au maximum les choses. Le co-pilote est aux premières loges pour voir ce qui ne fonctionne pas ou ce qui peut contrarier un pilote. Ma formation d’ingénieur m’a également facilité la tâche dans l’analyse et la méthode. »

Quel accueil a-t-il reçu auprès des pilotes ?

« J’ai eu la chance de faire une formation dès la fin de ma première année de compétition auprès de Bonato. C’est ce qui m’a donné l’idée, un jour, de partager moi aussi mon expérience. Les choses ont mis un peu de temps à se mettre en place. Je me suis petit à petit « expérimenté » auprès d’amis ou de gens en galère dans la prise de note tout en cherchant à les appliquer à mes propres expériences. La méthode se rode et s’améliore.  Avec Kevin Budaï au début puis Hugo Bonfils avec lequel on a beaucoup progressé. Aujourd’hui je travaille sur un nouvel outil pour mesurer les virages. Ce sera le travail de cette saison avec certains pilotes. C’est à la fois infini et ultra intéressant. »


– Le cahier, le stylo et le chrono étaient les meilleurs amis du co-pilote. Est-ce toujours le cas ?

« Oui en y ajoutant les outils « informatiques » d’aujourd’hui comme les GPS, Youtube, Google Maps, la caméra dans la voiture qui aident bien évidemment à naviguer mais aussi à se caler entre les recos et la course, à préparer le rallye, à débriefer après la course. »

– Quels sont les conseils que tu donnerais à un jeune co-pilote qui dispute son premier rallye ?

« Je lui conseillerai en tout premier lieu de se former. Sans mon expérience avec Bonato,  je n’en serai pas là. C’est un sport plus complexe qu’il n’y parait. Annoncer toutes les notes dans le bon timing c’est un combat de dix à quinze rallyes.  La nouvelle génération y travaille dans le bon sens avec toujours plus de précision et de détails.  »

Tu viens de vivre une belle expérience en Suède aux côtés de Didier Thoral. Ton sentiment  ?

« Ce fut une découverte totale même si nous avions roulé un peu sur terre. Il a une grande expertise du pilotage sur la glace à travers notamment l’Andros. On a vécu aussi de l’intérieur une manche du championnat du monde, à l’étranger en côtoyant les meilleurs pilotes mondiaux. On se prend facilement au jeu. J’aimerai également le vivre en spectateur. »

Pour conclure, ta définition du co-pilote heureux ?

« C’est un rôle de l’ombre qu’il faut accepter mais c’est un rôle merveilleux. Quand tu es en osmose avec ton pilote, que tu es en transe et lui full attaque  ce sont des sensations exceptionnelles. »

 

                                                                                                                                                                   Jean-Luc BOURGEOIS

« RallyRec »,une application qui fait référence dans la prise de note

Mont-Blanc 2023, en compagnie de Hugo Bonfils

Première expérience en mondial avec Didier Thoral au dernier rallye de Suède.

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